De la Serbie à la coupole

Du passage de Sava Choumanovitch, le quartier de Montparnasse conserve des traces comme le décor peint de quatre femmes, telles des cariatides, sur l’un des piliers de la grande salle de la brasserie la Coupole, réalisé en 1927... de même que notre huile sur toile. Celle-ci s’éloigne de la capitale pour s’intéresser à une scène de banlieue plus verdoyante, où un attelage semble attendre ses passagers dans la rue d’un village boisé. Les teintes sont vives, le rouge et le vert dominent, tandis que le synthétisme formel de Cézanne impose sa loi. D’un esthétisme chatoyant, cette toile révèle tout ce que Choumanovitch doit à l’école de Paris et à ses membres tel Kisling, mais aussi au travail d’Henri Matisse sur la couleur et la puissance décorative de la peinture. Né à Vinkovci, l’artiste arrive à Paris à l’automne 1920. Son style est encore influencé par l’art nouveau et le symbolisme. Installé dans un atelier de Montparnasse, il suit les leçons d’André Lhote, sensible notamment à sa vision du cubisme. Il fréquente alors Kisling, Foujita, Modigliani, Max Jacob ou encore l’écrivain serbe Rastko Petrovic. Il réalisera entre autres un portrait de la célèbre Kiki de Montparnasse, la muse des plus grands artistes de l’époque. Il expose aux Salons, notamment celui des indépendants entre 1927 et 1929. De retour en Serbie en 1930, il s’installe à Sid. Sa peinture (essentiellement des nus et des paysages) adopte une palette plus claire et une atmosphère lyrique. La Seconde Guerre mondiale entraînera sa perte : arrêté par la police fasciste de l’État indépendant de Croatie, durant l’été 1942, il sera conduit à Sremska Mitrovica et assassiné avec cent cinquante autres otages de même nationalité. Sava Choumanovitch avait 46 ans. Il demeure l’un des artistes serbes les plus importants du XXe siècle. Une galerie de peinture a ouvert en son honneur en 1952 à Sid. Par ailleurs, à Paris, au printemps 2019, année de la commémoration des 180 ans des relations diplomatiques entre la France et son pays natal, une exposition lui a été consacrée au Centre culturel de Serbie à Paris, sous le titre «Sava Choumanovitch et le secret de la Coupole».