Second opus pour une collection de décorations et médailles de haute tenue : le défilé programmé sur deux jours s’annonce international et historique. Revue de détail.
La collection de Monsieur X réunit un exceptionnel ensemble de médailles, bijoux et colliers d’ordre de chevalerie, dont la première dispersion a déjà fait figure d’événement. Cette fois, ce sont plus de cent cinquante pièces, dont quatre-vingts colliers, qui apparaîtront en rangs serrés avant d’être dispersées. Le monde de la phaléristique, en clair celui des ordres de chevalerie, décorations et médailles, se réjouit déjà de cette nouvelle offre, moins d’un an après les succès et les préemptions qui ont émaillé la première édition, en décembre 2018. On se souvient des 2,03 M€ de résultat total (voir l'article Impériale ! de la Gazette 2018, n° 44, page 82), un montant suffisamment rare dans cette spécialité pour être à nouveau signalé ; on n’a pas oublié non plus la participation de tous les acteurs internationaux du marché ni les deux acquisitions du musée de la Légion d’honneur sur des souvenirs du duc de Berry. La Russie impériale avançait alors en majesté, avec des résultats spectaculaires exceptionnels. Aujourd’hui encore, elle est en nombre et en qualité, même si les colliers les plus prestigieux ont été vendus lors de la première session. Rendons-lui un hommage mérité en débutant cette revue par ses souvenirs. Une clef de chambellan ouvre la voie (2 500/3 000 €).
Les clefs de nobles russes
En bronze ciselé et doré, gravé au chiffre du tsar Alexandre II, cet insigne de prestige offert à l’officier à l’occasion de son entrée en charge, rappelait la proximité de son détenteur avec l’Empereur, seul à avoir accès à sa chambre en permanence. On le surnommait «l’homme à la clef d’or»… un petit côté Bons baisers de Russie, non ? La première puissance au monde à instituer un système de médaille commémorative, dont une quarantaine sont ici proposées à quelques centaines d’euros, n’a introduit que tardivement les ordres de chevalerie. Pierre le Grand (1682-1725) avait souhaité en dédier un à saint Alexandre Nevski, destiné à des officiers pour acte de bravoure au combat et calqué sur le modèle de l’ordre militaire de Saint-Louis, fondé par Louis XIV en 1693. C’est finalement l’année de son décès, que la première promotion est remise par Catherine Ire, sans toutefois respecter les desseins initiaux de son époux, puisqu’elle récompense aussi bien des civils que des militaires. Une croix de chevalier en or à quatre branches émaillées rouge (poids brut : 20 g, 12 000/15 000 €) témoigne de cette histoire.
Un phénomène universel
«Cette collection a cela d’unique qu’elle convie à un véritable tour du monde des décorations. Nous n’en avons pas souvent de telles sur le marché français», se réjouit Jean-Christophe Palthey. Elle invite à autant de plongées dans l’histoire de quatre-vingt-dix pays, de leurs saints, de leurs faits d’armes, de la diplomatie et des reconnaissances officielles. Elle prouve ainsi que «la décoration est un phénomène universel. Ce second opus comporte peut-être moins de grosses pièces, mais il est plus ouvert, plus diversifié aussi», renchérit l’expert. L’Allemagne y tient une place toute spéciale, à l’époque de ses duchés et de ses différents royaumes, avec pas moins de soixante-quinze modèles, dont sans doute le temps fort de la vente : le bijou de chevalier de l’ordre de la Chasse de Jérôme Bonaparte, alors roi de Westphalie (1807-1813), selon le vœu de son Empereur de frère. La pièce est parfaitement historiée. L’ordre est fondé en 1702, alors que le Wurtemberg est encore un duché ; Napoléon Ier en est élu titulaire le 6 octobre 1805, trois jours avant son cadet. Les deux bijoux, celui de l’Empereur est désormais conservé au musée historique de Moscou, ont été récupérés par les Prussiens au soir de la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, lors du fameux épisode du «butin de la berline». Ils sont également assortis de leurs étiquettes d’inventaire en aluminium. «Celui de Jérôme Bonaparte est du type intermédiaire, c’est-à-dire qu’il comporte encore au revers les trompes de chasse entrelacées, mais présente déjà sur l’avers le chiffre ”FR” couronné de l’ordre de l’Aigle d’or.» De fait, en 1807, l’ordre de la Chasse deviendra celui de l’Aigle d’or, selon la volonté de Frédéric Ier, premier roi du Wurtemberg. «Même si cette pièce n’est pas dans un état de conservation parfait, elle est rarissime», ajoute l’expert, heureux d’avoir pu retracer son parcours. Les 40 000 à 60 000 € d’estimation ne devraient pas effrayer les amateurs de cette épopée. Pour mémoire, la plaque de chevalier de l’ordre de l’Aigle d’or de Napoléon Ier, provenant du palais de Monaco, avait atteint 165 000 € à Fontainebleau le 16 novembre 2014 (Osenat OVV, M. Dey).
Les colliers, joyaux du phalériste
«Ils sont le graal du collectionneur.» Cet ensemble en compte quatre-vingts, autant d’étapes d’un tour du monde passant par des destinations inattendues, comme le Guatemala, avec un modèle composé de maillons figurant des bas-reliefs mayas (ordre du Quetzal fondé en 1936, réservé aux chefs d’État, 2 000/3 000 €), et le Kenya avec l’ordre du Cœur d’or datant de 1966 (collier de chef, 600/800 €). Il convient d’ajouter la Malaisie (ordre de la Couronne de l’État, 1958, 3 000/4 000 €), le Nicaragua (ordre de Ruben Dario, 1947, 1 500/2 000 €), ou encore la Corée et son grand ordre de Mugunghwa, nom local de l’hibiscus (ensemble de dignitaire, 6 000/8 000 €). Ce dernier est également réservé aux chefs d’État en place et aux dirigeants des pays alliés. Ce rapide inventaire offre l’occasion à l’expert de rappeler qu’«autrefois le récipiendaire n’était pas titulaire du collier qu’il recevait, mais seulement dépositaire. À son décès, l’huissier de l’ordre venait le récupérer». Voilà pourquoi, il est quasiment impossible d’en trouver lorsque les ordres existent encore, comme c’est le cas dans la plupart des royautés européennes. Ainsi, le collier suédois de grand-croix en bronze doré émaillé de l’ordre de Vasa, fondé en 1772 (2 500/3 000 €), est une pièce qui devrait attiser bien des convoitises… Cette singularité explique également la multiplication des décorations pour collectionneurs (voir encadré ci-dessous). En France, du fait de la Révolution, les choses sont bien différentes. Les ordres de chevalerie, prestigieuses faveurs politiques entre les mains du souverain, rappelaient trop les privilèges de l’Ancien Régime, et la loi du 6 août 1791 votera leur abolition. Si Louis XVIII les rétablit en 1814, leur aura ne sera jamais restaurée. Ce sont autant de plaques, bijoux, croix et autres colliers qui restent à épingler… pour la plus grande joie des phaléristes !