Forêt enchantée

Les deux œuvres ont toutefois peu de choses en commun. D’un côté, une paisible scène de jeux enfantins dans l’esprit de ses compatriotes Vu Cao Dam, Mai Thu et Lé Phô ; de l’autre, cette grande composition à l’huile rehaussée d’or et d’argent, d’inspiration art déco. Lê Van Dê explore ici un format original, une technique et un sujet distincts de son répertoire traditionnel, celui d’un monde végétal luxuriant et exotique. Aux plantes particulièrement réalistes se mêlent des fleurs stylisées et des motifs purement décoratifs. Ce paysage fantasmé dans des camaïeux de gris, s’opposant aux noirs profonds, traduit l’intérêt de l’artiste pour la technique de la peinture à l’huile, qu’il a découverte à l’école des beaux-arts d’Hanoï, et son attachement à la culture vietnamienne. Né en 1906 dans la province de Bên Tre, Lê Van Dê fait partie de la première promotion, en 1925, de l’école des beaux-arts d’Indochine fondée par Victor Tardieu (1870-1937). Six ans plus tard, il se rend à Paris pour l’Exposition coloniale. Avec Lê Phô, Tô Ngoc Vân et Thang Tran Penh, il participe à la décoration du salon de laque, dans le pavillon d’Angkor Vat reconstitué. Fidèle à son éducation catholique, il se rend à Rome en 1936, où il participe à une exposition au Vatican. Il est le premier artiste vietnamien à être reçu par le pape. Notre paravent date de cette période italienne. De retour sur sa terre natale trois ans plus tard, Lê Van Dê prend la direction de l’école des beaux-arts de Saigon. En 1948, il est chargé de la création du drapeau national du Vietnam : un fond jaune or barré de trois bandes rouges horizontales, les deux couleurs traditionnelles. Ses œuvres, notamment les maternités pour lesquelles il est reconnu, sont rares sur le marché. À bon entendeur…