Le «banquier anarchiste», comme il aurait pu se dépeindre, a été un homme fidèle à ses amours et passions, pour la vie, l’art et la littérature.
De tous les arts, la littérature est sans doute celui auquel Pierre Bergé a le plus tenu. Aussi la concomitance de sa disparition avec la dispersion de sa bibliothèque à Drouot pourrait-elle prendre valeur symbolique. Le même sentiment ressort de son départ à quelques semaines de l’ouverture des musées Yves Saint Laurent à Paris et Marrakech, où ses cendres doivent rejoindre dans le jardin Majorelle celles de son compagnon de toujours. Il avait tenu à annoncer l’événement en juin à l’Institut français de la mode, qu’il avait créé il y a une trentaine d’années, sortant d’une dernière opération, le regard d’habitude si pétillant cette fois un peu vague, trébuchant sur ces mots auxquels il tenait tant. Les mots, disait-il, il faut savoir les aimer, il faut les apprivoiser, car ils se rebellent (et, sûrement pensait-il, ils ont raison de se rebeller). Lui qui tenait tant à l’expression juste, avec ce mélange de culture et de précision maniaque qui en faisait un tel dirigeant d’entreprise, n’hésitait pas à reprendre son interlocuteur s’il avait le malheur de sacrifier à une formule approximative. Il mettait aussi en garde les poètes contre les adjectifs, ces traîtres de la facilité pour les journalistes, je crois qu’il avait abandonné la partie.…
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